Dix, douze ans, peut-être, l’œil en larmes, les mains accrochées aux rebords de son pardessus comme pour se persuader qu’il y avait encore quelque chose sur quoi il pouvait compter.

Le tintement de l’eau dans le caniveau semblait indéfini…
Les pavés étaient humides, sans doute dangereux car glissants,
L’enfant faisait attention, il marchait lentement…

Sans but, le regard droit, les ongles en sang tant il avait gratté le sable.

Un chat gris lança un miaulement en forme d’interrogation
Le vrombissement lointain du métro roulant sur le pont métallique interrompit le chant du mammifère.
L’horloge de l’église de la Grand-place indiqua trois coups brefs puis le silence.

Regardant sa montre, l’animal comprit qu’il était en retard d’une année ou peut-être d’un siècle, peu lui importait finalement.

Les pas de l’enfant se font précipités.
Son ombre le poursuit sans relâche, obstinément.

Il bat des ailes et s’envole… sans aucune difficulté

Il commence par s’élever très haut dans les airs pour prendre du recul par rapport à la réalité, puis manquant d’oxygène, redescend sans tarder.

Il se pose sur le mât principal du plus beau navire du port, un navire école à voiles, puis s’endort exténué par la fatigue et le sommeil.

Il se réveille en pleine mer.

Elle est furieuse, verdâtre, écumante et hurlante.

Une mer masquée, comme pour aller au Carnaval de Venise

Le navire craque, dévorant les embruns, gueule de bois ouverte aux quatre vents.

L’enfant hurle de terreur…

Il se réveille en transpiration.

Très ému, il se lève prestement et va se réfugier dans le lit de ses parents, asile de tous les cauchemars,
Nid douillet et très chaud…

(À mon fils)