Je suis sculpteur sur glace depuis toujours. J'aime ce qui est beau, ce qui est lisse et qui s'efface avec le temps. Il n'y a pas de sot métier comme qui disait le Père Blaize, curé des campagnes tisaneuses. Ce type m’a tout appris.

Autant le dire, tout de go, j'éprouve une crainte maladive pour ce qui est d'exprimer mon amour à ma blonde. Nous sommes ensemble depuis 5 jours et le temps passe si vite. Et je n’y arrive pas. Je bloque.

Je débloque aussi, c'est vrai. Je me demande si je ne bloque pas plus que je débloque.

Il faudra que je compte.

Bon, revenons à mon amoureuse.

Figurez-vous, qu'il y a dix minutes, elle me dit :

- J'ai envie de quelque chose ! elle me déboutonne du regard.
- Quoi donc ? dis-je un peu gêné
- Fais-moi un cygne ! Fais-moi donc un cygne ! Elle tourne son doigt vers le ciel tout en sirotant une menthe à l'eau. Elle regarde ma gouge et ma martelette.
- Un signe ? Oui… Je t'aime lui dis-je… ma Léa !

Ma douce amie me regarde, interloquée.

La gouge me tombe des mains.

- ça va pas ? Tu le dis maintenant ? C'est trop tôt ! Nous n'avons même pas encore fait l'amour ! Et puis, c'est qui Léa ?

Je me signe deux fois, crache par terre et touche du bois en hurlant : "Je suis Dieu !"

En fait, j'ai fait ça comme une inspiration qui m'est venue en respirant un bon coup. Ce n’est pas forcément très malin, mais que voulez-vous, quand j’improvise, ça part comme ça veut ! ça gicle comme ça peut !

Qui a dit « L'inspiration du moment » ?

Le truc qu'on dit comme on respire. On va pas en faire un roman, non plus, de cette phrase un peu strange dans la bouche d’un sculpteur sur glace !

- Je vais te faire un enfant nu dans la paille, pour Noël… c'est pas une bonne idée ? sourit-elle.

Là, elle me prend par surprise. Elle me déglace. Elle me renvoie à mon histoire. À ma neige. À l’eau qui gerce les doigts.

Elle poursuit :

- Et je m'appelle Marie !

Aussi sec, elle me déshabille… m'entraîne dans la grange et nous réinventons l'esprit de l'étable.

Soyons clair, les puristes diront que nous ne réinventons rien du tout ! Il ne faut pas non plus exagérer, même Dieu dans ces instants-là, il SAIT.

Donc nous SAVIONS. Voilà.

La morale de cette petite histoire d'amour, puisque il faut une morale, c'est que depuis que je suis pour beaucoup le sain d'esprit de la bourgade… les choses sont franchement plus faciles avec les filles !

Allez en paix.