Autant vous le dire tout de suite, demain je ferai la Une des journaux. C'est sûr. Ce sera mon apothéose. Pour une fois. Enfin, j'en suis pas non plus très fier.

Demain, je me marierai avec Lydie. Belle, chaude, insolente tigresse. Ma féline. Ma câline. Celle qui dévore mes nuits, celle qui me fait toujours vibrer comme aux temps où elle n'était encore qu'une jeune fille en robe rouge, qui passait tous les jours devant le bar.

Coïncidence, demain, ce sera le 13 Décembre ! Sept ans, pile poil, après mon procès. Une éternité pour moi. Rien pour les juges et le jury.

C'est sûr, vers les 9 heures, j'aurai mis mon costume jaune, ma chemise verte et mes chaussures en daim. Je sais, mes habits seront ridicules, mais je n'ai rien d'autres. Alors ? Et puis, y'aura guère de monde pour se moquer de moi.

Demain, nous serons unis pour le meilleur et pour le pire. Disons que dans cette histoire, c'est peut-être le pire pour Lydie ! Pour moi, ce sera presque le meilleur… en tout cas ce sera le plus beau jour de ma vie… et je remercie l'entêtement de mon avocat, sans qui ce jour aurait été vide et muet. Je le dis, de toute façon je oeux tout dire aujourd'hui : ce mariage, ce sera mon "Ave Maria". C'est une phrase qui me vient… je ne sais trop pourquoi… peut-être à cause du chapelet, ou du gars, là à côté, qui récite tout le temps des tas de cantiques… enfin, je ne sais pas trop comment décrire ce qu'il dit à mi-voix dans l'ombre.

Demain, un curé viendra avec ma future femme dans ma cellule et nous dirons des mots fiers comme des mômes. Des mots pour croire. Et puis, Lydie elle deviendra mélancolique quand nous nous passerons les anneaux d'or. Peut-être qu'elle pleurera un peu.

Après, nous nous embrasserons pendant un court instant. Je sentirai son odeur, son goût dans ma bouche, son battement de cœur. Et peut-être alors que le photographe tirera un ultime cliché. Je ne sais pas s'il sera autorisé à le faire. Moi, j'aimerai assez. En souvenir pour mes parents.

Lydie, elle s'en ira alors en marchant sur un tapis de coquilles d'escargots… elle marchera sur nos rêves de maison, de famille, de repentirs, de malentendus, de petits bonheurs qu'on aurait pu vivre… si… Enfin quand je dis ça, c'est juste pour la poésie parce que pour moi, elle partira à jamais… et ça, ça me fiche la trouille, un peu, beaucoup quand même !

Alors, on me donnera encore 2 heures pour réfléchir à toutes les conneries que j'ai faites dans ce bas monde. On me rasera la tête. On m'habillera de jute… on me laissera écrire un dernier texte… j'écrirai pour être par la pensée près la Basilique de Fourvière, à Lyon. C'est là que j'ai toujours vécu… et je veux revivre ces derniers instants là-bas… je fermerai les yeux pour ça.

Je serai là et pas ailleurs. Parce que ici, je ne veux pas.

Et puis, on me conduira dans une pièce blanche. Je m'assiérai sur la chaise, je poserai les bras sur les accoudoirs, on les fixera solidement, on nouera mes chevilles, puis George, viendra me placer le truc en métal sur la tête… comment ça s'appelle déjà ? vous savez c'est comme une couscoussière… bref ! on humectera les parties métalliques… pour que ça ne dure pas trop longtemps… c'est une astuce à George, ça…

Et après une dernière cigarette… quelqu'un que je n'ai jamais vu, baissera la manette. Mais pas pour éteindre la lumière.