El Paso. 31 Juillet 2007. Crépuscule.

Calme plat. Au loin un coyote hurle son désir de mort. Le soleil s'ébat encore dans les cieux. La frontière est sourde de bruits qui fusent. L'horizon est proche. Si proche.

Miguel se cache du mieux qu'il peut. Il enjambe la barrière, les barbelés accrochent un peu son veston, ses espadrilles marquent le sol. Pas de décharges d'électricité cette fois-ci, ni de pétarades, ni de cris. Rien. Le vent chargé de poussières. Les amas de feuilles qui couinent. La chaleur qui se dégage du paysage. Qui l'écrase. La nuit arrive avec son flot de moiteur piégée.

Au loin, la roue d'une éolienne. Seul bruit hormis le vent et sa respiration. Il a la gorge nouée par l'étreinte et la peur. La transpiration glisse le long de son épaule nue.

Il se dissimule derrière une vieille Ford Taunus. Une relique du temps passé. On entend quelques voix qui chantent. Un halètement. Un chien s'approche, le renifle et repart, la queue hérissée et la langue en épi.

Il pisse négligemment sur l'une des roues de la vieille bagnole.

Une chanson de Sinatra surgit, issue de nulle part. On entend la pointe du diamant sur le disque. Souffle rauque.

Strangers in the night exchanging glances
Wondering in the night
What were the chances we'd be sharing love
Before the night was through.

L'orage gronde au loin. Il regarde à droite, à gauche… Et se met à courir de toutes ses forces. Un coup de feu claque.

Du sang sur un cactus. Des gouttes de liberté. La vie ou la mort. Qu'importe. Un objectif.

La mort aurait-elle raté son coup à El Paso ?

It turned out so right,
For strangers in the night.