Quelle heure pouvait-il bien être ? 6h32 peut-être, 6h33 ? Une fille m'interpella :

- Hé ! Ho ! Attendez ! Attendez ! Et le baiser ?

Je fis marche arrière en rétro-pédalant activement. Je l'interrogeai du regard, fronçant les sourcils comme pour lui dire "Que me veux-tu ô belle Pénélope ! Où sont des écheveaux ? (Au fait doit-on dire un écheval : des écheveaux, ou des échevins, ou des haies-cheveux ?)"

Elle tendit ses lèvres au toucan qui lui roula une pelle. Je m'arrête un bref instant sur cette expression "rouler une pelle à quelqu'un". Ne sentez-vous pas le côté métallique de la démarche, l'effort que cela représente, le côté bâtiments et travaux publics, la potentialité de jardinage, de sarclage, le râteau, la serpette, et la poésie qui consiste à imaginer cet ustensile comme un sac de couchage que l'on trimballe sur son sac à dos ? ça vous en bouche un coin, non ? (si la métaphore n'est pas osée)

Donc, il roula une pelle à la fille… Il faut vous dire que cet oiseau avait été acheté à un cantonnier chinois du nom de Jao Borges San Pedro y Vasconcello, qu'il était né à Rio-de-Janeiro et avait été naturalisé bien plus tard pour une sombre affaire d'alcool frelaté vendu à Macao. L'alcool était à base de cacao et le toucan était en fait un macaque grimé. Enfin, il semblait.

Chose faite, la naïade (si j'ose dire) s'enfuit dans une foulée souple et chaloupée (si je puis me permettre) qui me rappela le film "Amélie Poulain" lorsque le personnage principal fait du vélo le long de la Seine… Du vélo ou de la trottinette… Ou du triporteur… Mais je me demande si ce n'était plutôt un gars qui parlait avec un cheveu sur la langue… Ou était chauve… Mais je m'aperçois que je m'éloigne de ma narration…

Donc…

Je fis de nouveau -marche avant- tout en agitant vaguement (si la métaphore peut ici s'employer) un mouchoir bleu à carreaux à reflets.

Sorti du Port de Marseille, je passais devant le Château d'If. Là, des touristes allemands las, short assorti aux chaussettes dans les tongs, me prenant pour un simple pêcheur me demandèrent si la pêche avait été bonne. Il se trouve qu'à ce moment précis je dévorai avec délice le fruit du même nom, je répondis le plus naturellement du monde "Oui". Ils m'achetèrent pour faire bonne figure (géométrique) quelques bogues informatiques, une baleine de parapluie et La Sardine qui avait bouché le porc (une histoire que je raconterai en son temps). Je leur fis un bon prix que j'indexai sur le galon de pétrole, un truc assez sympa pour mon pouvoir d'achat.

- Bouou ! Bouou ! Bouou !

Le bateau qui menait aux îles du Frioul actionna bruyamment sa sirène m'indiquant que je contrevenais au Code de la Mer. Je pensai (allez savoir pourquoi) à l'escalier de Potemkine et au plan fantastique qu'en avait fait Sergueï Eisenstein. Je pensai aussi que mon esprit était décousu. Je pris un peu de fil et une aiguille. Sautant d'un mot à l'autre, je fis couler entre mes doigts de la poudre d'escampette, jetai l'encre par dessus bord, au fait vous ai-je dit qu'il ne faut pas confondre poudre d'escampette et piment d'Espelette, les deux se consomment en poudre mais le piment possède des valeurs nutritives qui lui sont propres. La poudre d'escampette permet de maintenir le galbe des gambettes.

Je ferme la parenthèse -> )

À ce moment précis de mon récit, je vis alors -comme par enchantement- une belle fille dont la queue jetait des saillies d'argent… Quand…  Tout à coup… Arriva ce qui devait arriver.

(À suivre)