L'agora est aujourd'hui clairsemé.

C'est un endroit où les gens se rassemblent pour regarder la télévision ou discuter un peu. Discuter est un bien grand mot.

Seule une dizaine de personnes est assise. Yeux hagards, pas de réponse à mes sourires, du vide, des rictus. L'attente de la fin. C'est tout.

Je regarde cette femme qui a été belle
Qui a tellement donné pour les autres
Je regarde cette femme qui ne me voit presque plus et que j'aime.

Maintenant, je suis seul à venir lui parler
Pourquoi venir ici pensent la plupart des personnes qui ont été ses proches.

Elle ne sait plus qui je suis vraiment, elle me prend pour quelqu'un d'autre
Quand je lui indique mon identité, elle me répond "Mais bien sûr que je t'ai reconnu !"
Alors je lui montre des photos, elle ne s'y intéresse pas, divague, cherche ses mots, s'arrête de parler puis parle d'autre chose, puis s'arrête à nouveau puis reparle et ainsi de suite…

Et souvent des larmes surgissent masquées par le plat de ma main.

Elle ne les voit même plus et nous allons nous promener dans le parc, ce petit coin de nature où ma mère hume le vent léger, écoute la feuille qui plane, s'étonne du pigeon qui s'agite. Elle marche juste à mes côtés. Juste. Je me dis que la vie est mal faite, ce n'est pas la faucheuse qui s'empare des souvenirs c'est l'Oublieuse… La sœur cadette de la Mort.

Le voile s'épaissit chaque jour, je le sais.

Mais que faire sinon être là.[1]

Note

[1] Parfois je me demande si je ne préfère pas écrire des textes loufoques et mystérieux, ça me détend tellement…