Aujourd'hui c'était Noël. Les enfants étaient là.

Un grand sapin ornait l'atrium où quelques résidents regardaient la télévision, un peu endormis.

Nous sommes allés dans la zone sécurisée où les patients ne peuvent sortir que s'ils sont accompagnés.

Elle se trouvait dans la grande salle avec des tas d'autres personnes… Elle était tranquillement assise, souriant un peu.

Évidemment, elle ne m'a pas reconnu, pas plus que ses petits-enfants. C'est toujours très triste. Elle nous regarde sans nous regarder.

Alors je lui prends la main et nous allons nous promener un peu. Ce n'est pas facile de la sortir de sa torpeur et de la faire se lever pour me suivre. Pas facile.

Nous nous sommes installés dans un coin, un peu à l'abri des regards, autour d'une petite table ronde et nous lui avons offert un petit cadeau : une peluche de lapin avec de grandes oreilles. Tout doux. Une peluche pour bébé.

Elle a tout de suite sympathisé avec ce petit animal duveteux. Elle le manipulait, lui disait qu'il était beau, lui parlait aussi.

Nous regardions cela. Elle avait l'air plutôt heureuse. Elle chantonnait. Son petit fils l'a accompagné et elle anticipait les couplets et le refrain comme si nous ajustions une partie de sa mémoire.

Puis elle a pris dans ses mains le petit lapin et l'utilisant tel un pantin le faisait prendre consistance. Nous lui avons aussi offert des pâtisseries. Je sais que ce n'est pas recommandé mais les infirmiers me laissent faire. Ce n'est pas des tonnes de sucreries mais des choses qu'elle préparait avant, au moment des fêtes de fin d'année. Il y avait aussi une grosse datte très juteuse. Un goût de son enfance.

Cela n'a pas été aisé de lui faire comprendre que tout a pouvait se déguster.

Elle y est enfin arrivée et elle a dit "Qu'est-ce que c'est bon !" Ses yeux pétillaient.

L'après-midi est passée ainsi.

Puis comme il se faisait tard, nous nous sommes levés pour la conduire vers le lieu où son repas allait être servi.

Je lui ai demandé si elle voulait faire une bise à sa petite fille et à son petit-fils. Elle s'est approchée de ma fille, un peu par automatisme et a mis sa tête contre son épaule, son regard s'est illuminé, elles se sont serrées fort… Un ange passait.

Ma fille était en communion avec sa grand-mère. L'instant était magique. Il a duré longtemps. Le temps était suspendu.

Bien sûr la magie de Noël, je n'y crois pas… Mais là, une sorte de miracle a eu lieu.

Sans doute que l'amour est plus fort que l'oubli.