Et oui, cette photo me donne l'impression de voir une communauté de lutins ( ou d'E.T...) réunis autour d'un arbre sacré et se livrant à des incantations. Et le grand cyprès s'est roussi la tête à force d'avoir trop voulu s'élever vers le soleil. Il cherche désespérément à se mirer dans le lac afin d'apercevoir s'il n'en devient pas chauve. Il implore les lutins de l'aider dans sa quête. mais ceux-ci, hiératiques, restent insensibles à ses suppliques.

Je pense à cela… Tout en rêvassant près du lac. J'aime cet endroit, je le connais parfaitement. Contrairement à ce que l'on pourrait croire ces lutins sont endormis au moment où l'homme les a oubliés. Le cyprès lui, veut nous rappeler notre inconstance en faisant tomber ses feuilles à contre temps. Mais l'être humain oublieux s'en gausse et l'affuble de cet qualificatif désobligeant !!

Plongé dans ces pensées… Je me rappelle une belle fable :

Il était une fois…

C'était, de mémoire de lutin, dans un temps pas si lointain où toutes les espèces de cyprès vivaient si près les unes des autres, ou pour être plus précis en si bonne entente, que les hommes qui les observaient de loin et vivaient, depuis leur chute erronée sur la terre, en butte ou en guerre les uns contre les autres, décidèrent d'un commun accord ( et c'est d'ailleurs la seule fois de leur existence où ils réussirent à s'entendre ) de trouver un moyen pour briser cette belle harmonie végétale dont ils se montraient terriblement jaloux.

Comme la malfaisance des hommes n'avait d'égal que leur sens de l'observation très développé, il découvrirent assez rapidement qu'un spécimen de cyprès différait par de nombreux aspects des autres membres de la communauté. Il avait un tronc bien plus long que la normale, des feuilles en spirales et tordues à leur base et surtout... surtout... il ne perdait pas ses feuilles à la même époque que les autres membres de la communauté ! et pourtant aucun cyprès n'avait jusqu'à présent remarqué cette horrible anomalie!

Très heureux de leur découverte dont la révélation allait à coup sûr semer le trouble au sein des cyprès, les hommes , comme un seul homme, vinrent à eux et pointèrent en riant leurs doigts malfaisants vers le spécimen en question, lequel , à cette époque là , était justement en train de perdre ses feuilles quand ses frères cyprès avaient encore toutes les leurs. Les hommes hurlèrent en sa direction : " Oh ! un cyprès chauve ! qu'il est laid le cyprès ! ... qu'il est laid ! qu'il est chauve ! ... " Le pauvre cyprès qui n'avait jamais eu conscience de sa différence, ne sut où mettre son tronc et cacher ses branches dénudées. Les autres cyprès, d'abord abasourdis par cette intervention inopinée et bruyante des hommes, froncèrent ensuite leurs troncs, se passèrent les branches dans les feuilles, se grattèrent leurs racines, se lissèrent l'écorce puis, enfin, se mirent à examiner sous toutes ses coutures le cyprès que les hommes disaient être différent et le comparèrent à la pureté de leurs lignes et de leurs formes. Ils durent alors se rendre à l'évidence : ce cyprès n'était effectivement pas comme eux ! comment avaient-ils pu être aveugles tout ce temps ? ! Le pauvre cyprès devint en moins de temps qu'il ne faut pour le dire , la risée de tous ses frères conifères et les hommes satisfaits de leur coup bas et heureux que la belle harmonie végétale ait été finalement brisée, reprirent avec plus d'entrain qu'auparavant leurs guerres incessantes.

Le pauvre cyprès fut peu de temps après cette tragédie végétale exclu de la communauté par ses frères cyprès. Il se retrouva isolé en pleine forêt et ne supportant sa nouvelle solitude en perdit d'un seul coup toutes les feuilles qui restaient encore accrochées à ses branches et surtout se mit à pleurer ... pleurer ... pleurer... jusqu'à ce que ces larmes forment autour de lui un lac dans lequel il prit l'habitude et le plaisir de se mirer la journée car son reflet dans l'eau entretenait la douce illusion d'une présence auprès de lui... Il reprit alors un peu confiance en la vie, se sentit moins seul et cessa de pleurer sauf lorsqu' en plein coeur d'un été particulièrement caniculaire , il se devait de verser des larmes pour rendre au lac l'eau évaporée ...

Cette forêt était peuplée depuis des temps immémoriaux par un peuple de lutins qui furent surpris voir désemparés quand le cyprès exclu de sa communauté vint s'y installer ... D'abord effrayés par la stature colossale de l'arbre , ils gardèrent leurs distances mais quand ils entendirent ses pleurs incessants, leurs coeurs furent touchés et petit à petit ils essayèrent de se rapprocher de lui ... jusqu'au jour où un lutin plus téméraire que les autres se présenta à l'arbre en train de se mirer dans le lac de ses larmes . L'arbre sursauta et en sursautant fit trembler toute la région comme un véritable tremblement de terre, provoquant la panique chez ses frères les cyprès . Ceux qui eurent tellement peur de ce phénomène qu'ils ne savaient expliquer perdirent de ce fait la raison et depuis ce jour là se prirent pour des palmiers !

Le cyprès au lac fit un très bon accueil au peuple des lutins qui lui apportaient la compagnie dont il avait tellement besoin, et lui, en retour, leur apportait son ombre fraiche tellement nécessaire par jours de grande chaleur...

Il est bien connu qu'aucun humain adulte ne peut voir les lutins parce qu'ils sont rapides comme l'éclair et furtifs, rusés et invincibles ... Seuls les enfants peuvent les voir ... Si sur cette photo (qui est là devant mes yeux) vous devinez pourtant leur présence si près du cyprès ... c'est que d'évidence , vous avez gardé une âme d'enfant

Voilà, la fable m'est revenue en mémoire. Je la trouve magnifique… Je crois même l'avoir visualisée …

(Billet rédigé grâce à Tisseuse, Claudine, Dom, mercedes)