Ombres sur le parquet. Soupirs. Pleurs. Mains qui s'agitent. Qui décomposent la minute en un long défilé de gestes lents. Métronome inerte. Le fleuve charrie un nom qui s'éloigne . Puis un autre. Une main se dresse et plonge. Il y a près de moi un choeur hébété, yeux fixes, quelques larmes sur les joues. Je te cherche. Je remarque la lenteur du courant. Pas de lumière. Seul un rayon blanc et froid. Quelle heure est-il ? Quelle heure était-il ? Un vieillard se tient près du gouvernail, une lanterne rouge suspendu à ses mains comme un luminion sur une estampe japonaise. Je pense au haïku que tu m'avais donné :

Pénombre est la mer
Hiver nu, espoir troublé
Refermer les yeux.

Il bruisse un air que je ne respire déjà plus. Ma voix est éteinte des mots. Où est la musique ? Quel est ce livret ? Je ne bouge que les lèvres. Rien. Je voudrais crier ton prénom. Je tapote mes doigts contre du bois sec. Du chêne ? Le vieux tourne la tête lentement en remarquant mon manège. Il sourit en édentant un peu le paysage. Je sens des tapotis d'eau. On dirait de la pluie sur un tableau flamand. La brûme. Où suis-je ? Où sont les fauteuils couleur sang ?

O soave fanciulla, o dolce viso
Di mite circonfuso alba lunar
In te, vivo ravviso il sogno
Ch'io vorrei sempre sognar !

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