[340/365] Maison de Retraite - Repas de Noël

Comme cela s'était passé en Août pour le repas d'été, hier a eu lieu le repas de Noël à la maison de retraite où séjourne ma mère en secteur protégé.

Le personnel (tout le monde, de la directrice, aux infirmiers, aide-soignantes, personnels de cuisine, psychologue, médecin) était affairé à mettre en place les personnes qui arrivaient, les résidents… À dresser les tables, à servir du kir ou du jus d'abricots… À placer des petits toasts…

Ma mère avait été maquillée légérement pour l'occasion, elle portait une belle robe et lorsqu'elle est arrivée, elle semblait dormir. Je me suis dit que sans doute cette agitation l'avait un peu fatiguée.

La table était artistiquement décorée et nous nous retrouvâmes à côté de personnes qui étaient là comme nous pour ce repas avec un de leur proche. Nous avons sympathisé. Ils étaient plus nombreux que nous. Il faut dire que je suis le seul enfant vivant de ma mère. Eux étaient 2 enfants (un frère et une sœur). J'ai pensé à mes sœurs et à mon père décédés beaucoup trop tôt. Des larmes du dedans étaient là. J'ai tenu longtemps la main de ma mère. Ce contact est très bénéfique pour elle, même si elle ne semble pas concernée. Je pense qu'elle ressent une présence qui la rassure.

Ma mère était dans "son monde". Je l'aidais de temps à autre pour confectionner de petites tartines avec des tas de bonnes choses… elle dévorait comme d'habitude… J'ai pris quelques photos que j'ai envoyées à mes enfants.

À un moment, alors qu'elle consommait des plats mixés… je lui ai donné de la purée de pommes de terre violette (des vitelottes)… Elle m'a regardé, elle a souri et s'est exclamée que c'était bon (enfin elle m'a fait comprendre que c'était très bon).

Il y avait de la musique de Noël, des animations (un couple de clowns charmants et désopilants), des petits-enfants qui ont chanté une mélopée a capella pour leur mamie, des gens qui ont beaucoup applaudi (dont moi qui me suis levé pour les féliciter), une jeune serveuse avec un iPhone 6 dans la poche arrière de son jean's, le smartphone était prêt à tomber, les poches étaient minuscules, je le lui ai dit qu'elle risquait de balancer par terre son précieux, elle s'en foutait un peu… Mais je lui ai dit quand même comme un vieux con que je suis, ça m'énervait de voir ce truc horriblement onéreux prêt à se briser sur le sol, j'ai vu aussi d'autres personnes (des jeunes femmes) qui faisaient pareil. J'en ai déduit que c'était un effet de mode que de mettre son smartphone dans des poches ridiculement petites… Pourquoi pas.

Sur la table, il y avait des tas d'étoiles de couleurs. J'en ai pris une rouge et je l'ai placée sur le dos de ma main, puis sur mon propre smartphone.

Soudain, à un moment, et alors que je m'y attendais pas, ma mère m'a regardé et m'a dit "Je suis malade".

Une phrase construite avec un sujet, un verbe et un adjectif. Plusieurs fois, elle m'a répété cette phrase. Cela faisait une éternité qu'elle ne s'était pas exprimée comme ça.

Un poignée de secondes.

A-t-elle eu un éclair de lucidité sur son état de santé ?

Pourtant elle n'était pas malade. Au moment où elle a prononcé ces mots. Pas vraiment malade…

Nous avons terminé le repas, puis nous nous sommes promenés dans le jardin où un beau soleil d'hiver nous attendait. Il y avait un mode fou. J'ai pensé à la fête des morts où les gens se précipitent pour mettre des fleurs sur la tombe de proches… Une seule fois par an… et puis basta !

Ce qui m'a fait plaisir, c'est que lorsque le personnel m'a vu, ils m'ont dit " Ah ! M Obni, vous, vous êtes un habitué, vous venez souvent ici…"

J'ai été très honoré par cette remarque. C'est un peu idiot parce que je ne fais évidemment pas cela pour être honoré de quoi que ce soit. Mais bon, en l'occurence, je l'ai été.

Ma douce et moi, sommes alors rentrés chez nous en passant devant les 62000 spectateurs du Stade Vélodrome qui vociféraient parce que l'équipe locale avait marqué un but.

J'ai aussi pensé que tout cela était bien dérisoire. La vie, la mort, l'entre deux…

Je suis rentré chez moi, j'ai rédigé une lettre de remerciements pour le personnel…

Immense nostalgie.

Ce fut une belle journée sans ballade dans les calanques. Pas eu le temps, ni l'envie finalement. Le soleil, l'horizon bleu, la roche blanche étaient ailleurs.