Une soirée entre amis[1]

Comme dans la chanson de Bruel, nous avions promis de nous retrouver le samedi 8 octobre pour un souper entre amis.

Il y avait Angélica, raffinée et gracile, Ophélie, donzelle un peu folle et Mélusine, mon premier amour, ma flamme jamais éteinte, mon épanadiplose rieuse.

Étaient également présents, Julius, le phallocrate de service, celui qu’on n’avait surnommé Obélix d’Italie, et Tristan, farfadet squelettique, sorte de Petit Poucet énamouré.

Pour la circonstance, j’avais parfumé la maison d’un festin d’effluves en arabesques et je portais au revers de ma veste, un ginkgo jaune assorti aux frondaisons des arbres nains du patio.

Julius parla de ses fantasmes : sa faiblesse pour les bottes à lacets, ses désirs permanents pour se lover tout en réhabilitant son célèbre pijmoiça au lacis redoutable, sa vision des petits culs lui comptant fleurette, la nitescence d’une bougie, bref il nous décrivit toute la quintessence jubilatoire de sa vie éhontée, façon pompier podzolisé aux mœurs encalminées.

Aux abords de 22 heures, Angélica, dont l’une des qualités est d’être musicienne, fit teinter un diapason, accorda son violon et se noua autour des chausses une sorte de tissus à falbalas. Elle joua un morceau de Franck Zappa. Nulles billevesées dans cela, pas même quelques trémolos en cahots, sans coups férir, elle revisita le maître décharné comme si un dragon s’en était perdu au creux d’un ravin empli de bégonias et de brumes d’Antalya. C’est dire !

J’appréciai hagard la mélodie… Puis quelques entailles au temps qui passe… et tout en appréciant la gargantuesque rage de vivre qui caractérisait cette balade éperdue, je vis fondre les braises dans le chocolat de cette soirée… telle une chèvre amoureuse d’un lion, tout bascula… la bride se rompit… les rênes s’emmêlèrent…

Soudain…

À la lueur d’une bougie, Ophélie était en train de chavirer. Était-ce un effet induit des multiples bouteilles qui se gondolaient sur le sol, du broc de liqueur de roseaux des marécages ou du carafon de chèvrefeuilles à l’eau de vie, mais dans une sorte de mouvement de girouette accorte et insolente, elle effeuilla, la prunelle aguichante, ses entrées, sa douceur et sa félicité.

Julius, mutin collatéral la conduisait, enflammé qu’il était, vers des rivages aux mœurs incertains, il glissa un billet dans son baldaquin gonflé et se mit à pousser hors de son pantalon, par gageure, une sorte d’Excalibur sonnant l’hallalis.

- Ma Mie ! Mon colis pour l’Enfer ! Ma Torpédo de Marseille ! Voici mon salsifis ! Mange mon brocolis tel un casse-croûte rougeoyant !

ça dérapait… je laissai libre court à mon courroux, Julius était une entrave, un falot ! Tout cela n’était que menterie !

Je priai le faquin de s’isoler avec la fille à moitié consumée et j’ouvris les venteuses pour aérer la pièce.

Mélusine s’approcha de moi, le regard soudainement éteint.

Elle réveilla le souvenir des journées rugissantes, de nos nuits gisantes, des parterres tout en vapeur, des étreintes insolentes…

- On rigole bien ici ! C’est bien mieux qu’un fossile de mer !

Elle lorgnait mon ventre plat… du jour.

Nous partîmes nous étendre dans le parc, près du bouleau, nos esprits un peu lâches, l’envie forte de reconstruire une marqueterie de passions ravivées… l’idée de pourfendre la sombre cautèle du désert, dans cette vie qui passe trop vite. Nous étions renaissants. Reconnaissants.

C'est parti d'eux[2]

Zappa, Excalibur à l'aine, sa gratte dans le dos, erre à cheval dans la brume, suivi à son insu du farfadet Obélix, dit le grossium de Marseille, podzolisé depuis qu'il a décharné le Petit Poucet un soir de rage ô désespoir .

Normal me direz vous, un lustre auparavant il a vu Falbala d'Antalya accorte et Angélica d'Italie al-dente, sans pijmoiça, se gondoler, se lover sans entrave ni baldaquin au milieu des bégonias, faire des arabesques aguichantes avec les brocolis, l'une des donzelles en effeuiller l'entrée gracile, il les a entendu se dire des 'ma Mie' ; l'autre, la prunelle rieuse, les effluves en diapason, admirait les culs de qualité chavirer en douceur, il devinait leur désir jubilatoire de voir l'amour enflammé, sentait l'étreinte sans faiblesse de leurs doigts pétrissant, quand soudain il remarque une main éperdue aux abords du festin gargantuesque..

C'en est trop pour l'énamouré, il ressent la quintessence de la cautèle le dévorer ..

En appétit, sa colère démarre à la manière d'une Torpédo rétive, d'un train à vapeur, d'une girouette en roseau par nuit venteuse en mer, d'un phallocrate épanadiplosé, d'une chausse sans lacet, d'un marécage en bouteille, d'un broc sans carafon, d'une folle gisante amoureuse d'un falot, d'un faquin au bord d'un ravin, d'un outrage aux bonnes mœurs, d'une Mélusine en marche

Il se fait dragon pas Komodo en courroux et crache sa flamme.

- Menteries !!!!

Surprises en train de cuisiner, les belles en bottes sursautent sous ces hallalis et le regardent médusées, hagard debout, rougeoyant comme un fantasme d'Ophélie..

Rugissante et redoutable, la jolie sans fossile prend un billet, un crayon du bouleau et s'en va écrire sous la bougie tandis que l'autre en lacis, éhontée, le pivotait (l'apostrophait en langage commun)



- Mais tu nies tes sens !!!! nous préparons le souper et te voilà hurlant et vitupérant, les poches remplies de billevesées, qu'un gamin - quelle gageure !- ramasse derrière toi sans férir au fur et à mesure !

La jolie quant à elle se contente de pousser à lui un papier qu'il lit

Menu du souper :

Casse-croûte gonflé aux mashmallows

Consommé de chèvre insolente

Lion squelettique en bride raffinée

Mutin de pompier sous la braise

Rigole de ginkgo consumé

Marqueterie de rêne encalminé

Parterre de chocolat

Frondaison de désert

Bien qu'en pantalon, le sol se déroba sous lui, abasourdi une faiblesse lui vint et par réflexe Obélix croqua le gamin collatéral..



Zappa se retourne et s'exclame

- Approche donc, ne sois pas lâche.. si tu ne joues pas du violon et ne portes aucun colis et …

- Oui ? murmura le grossium approchant sans cahot, comme renaissant de l'enfer

- Ne t'en prends pas à ma vie sous peine d'entaille, penses- tu qu'il va pleuvoir ?

- N'ayez crainte.. puis je vous accompagner ?

Zappa regarde l'individu approcher, prudent et penaud

- Tu as l'air bien éteint ..

- Je suis à jeun.. que dira-t-on d'un maigre à cheval accompagné d'un gros affamé ?

- On demandera à ma servante en arrivant au rivage de quoi nous avons l'air

- Comment s'appelle t elle ?

- Tess

De nouveau en pleine félicité l'enrobé murmure

- Servante Tess.. j'espère que je lui plairai..

Il plût.

Pour ta fête...[3]

Les draps d'Italie transforment notre lit à baldaquin en tente arabesque surgie des brumes. Aux abords du désert, nous nous lovons l'un contre l'autre, effrayés par le lion redoutable et sa femelle rugissante, consumée d'un courroux de dragon.

Félins, ils rôdent autour de nous, les effluves de nos chairs énamourées les ont attirés et ils se réjouissent de la félicité qui les a conduits vers ce festin. Dans la nuit obscure, nous les entendons qui devisent :

- "Mon cher Zappa, ce casse-croûte sera-t-il à la hauteur de nos espérances gargantuesques ?
- Il dépend, chère Angelica, de savoir si nous aurons affaire à Obélix ou au Petit-Poucet... Quant à la femelle, je crains une de ces squelettiques Ophélie nourries de brocolis et de jus de bouleau qui promènent leur anorexie, une fleur de gingko dans les cheveux. Graciles, hagardes, elles ont depuis longtemps renoncé au fromage de chèvre et aux tablettes de chocolat et promènent avec ennui leurs culs décharnés sur les rivages des marécages, avec pour seul fantasme l'achat d'une marqueterie de qualité.
- Je préférerai pour ma part tomber sur une accorte et aguichante donzelle pleine de douceur, insolente, mutine et pourquoi pas un peu folle, rieuse et pleine de vie. Qu'importe si ses moeurs sont un peu lâches ou qu'elle se rende coupable de menteries pourvu qu'elle nous fasse un bon souper !"

Enlacés, au diapason de notre désir, nous écoutions ces voix dans la nuit. Tu aurais pu chausser tes bottes, allumer les bougies, et sans coup férir sonner l'hallali et éteindre la rage qui allumait des flammes dans les prunelles des félins affamés. Un seul coup de poignard aurait suffit à ta mâle assurance de guerrier. Au lieu de cela, tu te tournas vers moi: "- Ma Mie, je ne suis ni falot, ni faquin et encore moins phallocrate, tu le sais ! Aussi est-il temps de renoncer aux billevesées et aux falbalas et de montrer ta vraie nature. Grâce aux pouvoirs d'Excalibur, tu peux sans faiblesse ni entrave couper en deux le terrifiant animal qui assiège notre campement. Le feras-tu ?"

Je me levai, surprise et allai prendre de l'eau dans le carafon avant de m'asperger avec celle du broc.

- "Il doit rester un peu de vin dans la bouteille, me fis-tu remarquer alors que je me demandai si je triompherais de cette gageure ou si la fin de cette aventure ferait de moi une gisante dans l'estomac gonflé de la Mélusine à quatre pattes.
- Ne crains-tu qu'elle me podzolise et que tu ne retrouves que la quintessence rougeoyante de ma frondaison encalminée ? fis-je remarquer d'un air faussement serein alors que des braises collatérales menaçaient mon estomac d'épanadiplose.
- Ton train à vapeur jubilatoire enflamme mon roseau renaissant nuit après nuit, tu me transformes en Torpédo. Comment pourrais-je désormais vivre sans toi ? Si je te perds, je redeviens fossile, un de ces vieux retraités qui arrosent mélancoliquement leur parterre de bégonias puis qui rentrent chez eux, ouvrent leur boîte aux lettres sans jamais y trouver ni billet ni colis et s'endorment au son du violon de leurs souvenirs. Ma douce Antalya, je te le dis, tu as désormais en toi assez de force pour triompher de la lionne ancestrale. Va et tue-là !"

Je sortis sur ces paroles encourageantes et me retrouvais seule dans l'obscurité des dunes. J'avais lâché la bride et les rênes de mon cheval farfadet, il était né à Marseille et tenait ses pouvoirs de la nitescence de la mer. Nous avancions silencieusement, sans cahot, sur le sable tiède. Soudain, mon compagnon me fit signe de la tête. Tout près de nous se tenait la reine des animaux. D'une cautèle éhontée, elle n'hésita pas à me décocher un sourire qu'on eût dit venir de l'enfer.
Sans me laisser le temps de réagir, mon cheval poussa un hennissement de pompier et lança sur la Bête un lacet enflammé, qu'il tira ensuite avec sa bouche. La lionne éperdue chavira, une entaille à la gorge, et son corps bascula dans le ravin. Nous vîmes son sang se répandre en rigoles. Une brise venteuse s'éleva alors, signe de triomphe qui fit se gondoler les pousses de cactus et de pijmoiças.

Je retournai auprès de mon bien-aimé, qui m'attendait à l'entrée, il m'effeuilla dans le lacis de son étreinte, faisant de moi une girouette joyeuse dans ses mains raffinées.

"- Je savais que tu allais y arriver mon amour" me dit-il en m'embrassant, et tout le monde se mit à applaudir

Notes

[1] obni

[2] jf

[3] Samantdi