J'écoute en ce moment le concerto pour bandonéon et orchestre d'Astor Piazzolla… et à chaque fois la magie opère doucement…

Introduction… Cette musique est pour moi très représentative de cet été indien que nous vivons, j'aime cette époque de vapeurs d'automne, qui s'étire, s'étire et s'étire encore comme autant de nuages étrangement bronzés et diaphanes, comme de petits crépuscules alanguis… percussions… sentir le temps qui passe…

Vous dire que j'aime ces mélodies argentines, serait un euphémisme. Ah ! Cette musique qui accroche les tripes, qui secoue les préjugés, forzando, qui dénonce la mort, qui se bat et rugit avec violence et élégance.

Et puis, je n'en fais pas mystère, cela évoque en moi le brin de nostalgie qui me fait vivre, la pichenette d'oxygène que je respire, le réconfort de souvenirs embués qui me revitalisent en planant, ma non troppo, dans la pièce qui s'assombrit. Cette musique c'est mon condor des Andes, mon adagietto de Mahler, ma suite de Bach, mon Purcell…

Glissando, j'imagine le film de Vadim, glissando, la silhouette voluptueuse de Jane Fonda, rubato, c'est le générique de Jean-Michel Folon sur Antenne 2, c'est la fontaine de l'homme aux oiseaux de Borely, le bonne humeur de mes années de lycée… vivace nervoso… mes années 70's

Solo… Je ferme les yeux. Le noir emplit ma tête. Des yeux noirs… Mes actes manqués : le voyage au Népal, le costume étriqué du majordome, la paire de gants blancs, cadeaux de la tante Henriette… coda…

- Dis chéri, et si on allait voir Wallace et Gromit ?

- Mi amor, tu me casses l'ambiance, là !

Elle me regarde, attendrie. Je suis du genre ours mal léché en sortie de rêverie.

- Tu entends le bandonéon ? C'est pas un accordéon rance quand même !

- Toi alors ! Tu n'aimes donc pas Wallace et Gromit, c'est ça ? Dis-le ! C'est pas grave ! Je vais pas en faire une histoire !

- Oui, c'est ça, c'est ça, Barbarella, j'aime pas ce film… on va dire ça.

Elle m'embrasse. Je prends mon violoncelle et je fais résonner lentement le do du prélude de la Suite en Ut mineur de Jean-Sébastien Bach.

Elle écoute et prend son kazou.