Les plages de l'automne ont le sable pourpre qui colle aux doigts, les galets mordorés tapissent le sol à nos pieds, les bigorneaux planent à marais basse. Ils hérissent ma peau comme un vent frais et ouaté.

Là-bas, je vois des filles qui portent des pagnes à franges de peupliers, des gars qui surfent sur les vagues de leurs rêves et de nombreux enfants qui dressent des colliers de coquillages à bec fin. Des coques-outillages. Des cordes-sillages vers l'horizon. Des jeux d'entrance.

Parfois, ces jeunes enfants portent des conques à l'oreille et ils entendent les mots du vent et de la marée. Les mots qui tracent des histoires de pantins de bois, de fée aux cheveux rouges, d'elfes aux mains palmées.

J'aime ces lieux de saison tranquille. Les volets du regard mi-clos. Mon esprit qui divague dans les vagues, qui crisse dans les drisses, qui chamade dans la rade.

J'aime les arches maritimes, les ponts suspendus, les coques de noix qui flottent, les mâts en allumette, les voiles en feuilles de ginkgo.

Les plages de l'automne me rappellent aussi les disques en vinyle qui en comportaient deux.

La première page pour elle, c'était Franck Alamo qui chantait "Biche ô ma biche quand j'imagine… Tes jolis yeux… Papillons bleus…"

La deuxième page sans elle, c'était Richard Anthony et son train siffleur… "Que c'est beau… Un train qui siffle dans la nuit…"

Alors, je marche sur la grève… Et parfois la lettre v se transforme en lettre c… Et le mot se chamboule… Et l'horizon se courbe… Me voici à Santorin. Nous voici nus sur la plage d'automne. Seuls, sels, Celle… Toi.