Le moment était venu de parler et de hurler ce que j'avais sur le cœur depuis trois ans. Je réclamai le silence.
- S'il vous plaît ! Je vous demande un peu d'attention !
Les convives se tournèrent vers moi et me dévisagèrent avec insistance.
Jacques, fataliste, tapota la nappe en marquant le rythme du "tagada tsoin tsoin", à l'évidence il était nerveux. Emma Bauma ivre, riait doucement. Il me semble que du kirsh coulait encore à la commissure de ses lèvres. Les enfants de Pierre, assis en tailleur, fixaient avec attention la tarte aux citrons de la cousine Bette, qui se curait le nez avec application. J'eus un hoquet de dégoût à l'idée que ses mains se furent trouvées en contact direct avec la pâte feuilletée.
Celui que l'on ne voulait pas nommer essaya vainement de faire du pied à sa voisine d'en face, une hollandaise un peu forte, vêtue d'une vareuse bleue. Elle exhalait une odeur très épicée et prétendait se prénommer Hermione.
Je voulus commencer mon discours… mais rien ne vint, je ne vis que toi. Luna.
Un immense éclat de rire se propagea telle une ola dans un stade de foot… J'avais la tête tatouée avec du vide.
Plus rien n'existait, aucun mot… Seul ton regard dans le mien. Tu étais et ça me suffisait. Cette sensation de vacuité était pleine de toi.
Pour la peine, je filais à l'anglaise une baffe.