C’était le soir d’Halloween. J’étais grognon. Ma fille s’était déguisée en sorcière pommes de terre, mon fils en Gandalf et mon épouse était maquillée en Cruella. J’arborais la tenue d’Harry Potter comme je le fais depuis plusieurs années maintenant. Nous étions prêts.
Il devait être 19h00 quand soudain un bruit lugubre résonna. Des raclements contre la porte se firent entendre.
- Nom de Zeus ! Va-t-on m’ouvrir ?
Toute la famille se précipita pensant distribuer quelques bonbons aux gosses du quartier. Nous avions acheté pour la circonstance des suce-miels et des casse-dents provençaux. J’avais enduit le tout d’aïoli et de piments de Cayenne, histoire de rigoler un peu.
- Nom de Junon ! ça vient ou pas ?
La voix était caverneuse. Elle faisait vibrer les flammes de la cheminée. Il y eut des crépitements et un jet de fumée âcre qui nous fit tousser. Mon fils perdit le premier son sens de l’orientation. Il s’engouffra dans les toilettes et se mit à se raser les dents.
Ma fille écarquilla les yeux. Elle s’assit, prit Télérama et feuilleta nerveusement la revue dans l’espoir d’y trouver, disait-elle, l’horoscope du jour et une recette de cataplasme aux choux de Bruxelles pour les soins du visage.
- Tu es toujours Verseau, P’pa ? Le four à 240°C c’est thermostat 8 ?
Ma femme demeurait muette. Elle se figea, prostrée à côté de moi retenant son souffle. Doucement, elle me dit : “Oh Mamie ! Oh Mamie, Mamie Blue, oh Mamie Blue !”
- Nom de Jupiter !
Je lui répondis : “Chérie, c’est volontiers ! Je vais prendre ma guitare ! Donne moi le temps de virer cet enquiquineur !”
J’ouvris la porte. Je filai quelques sucreries à ce Dieu d’un autre temps qui avait du se planter dans les dates et le lieu… Il radotait des histoires sur une génisse et avait en mains une sorte d’éclair en plastoc.
Je lui dis :
- Hé ! Coco ! T’es plus un enfant ! T’es romano-grec et tu te trompes d’époque ! Alors, va faire ton cinéma ailleurs ! J’ai une chanson à accompagner !
Il me regarda hébété. Des tas d’enfants venaient d’arriver, têtes de mort, quenouilles, cris de guerre et masques de sorciers. Le type fut un peu effrayé. Il tourna les talons ce qui le fit grimacer de douleur et s’en alla penaud.
Je raccompagnais les enfants jusqu’à l’ascenseur.
- À l’année prochaine, les mômes !
- Au revoir, Monsieur Méphistophélès !