L'homme qui marche en ce moment est noir, assez petit, il porte une fine moustache, le gars qui est à mes côtés me raconte qu'il est pasteur d'une église baptiste du côté de l'avenue Dexter, moi je connais très mal Montgomery, je suis arrivé en Alabama depuis seulement 2 mois… Alors vous pensez… une église baptiste… Et puis je n'ai pas honte de dire que je suis agnostique et fier de l'être !

Le petit homme avance d'un bon pas, bien rythmé. Au début, je ne connaissais rien de tout ça, mais je l'ai vu sourire, je l'ai entendu parler des droits civiques, du salaire minimum pour les plus démunis, de la liberté d'être et de pouvoir vivre ensemble… J'ai suivi… J'ai aimé les mots… Et des tas d'autres personnes ont rejoint le défilé… Nous chantons parfois, nous discutons, nous croisons des sourires. La fille qui est à mes côtés est magnifique. Je l'aime. Elle éclaire ma vie. Sa peau est caramel, le mienne laiteuse… Et alors ? ça gêne qui ? Le type là-bas est radieux. Les enfants butinent vers de petits groupes comme des abeilles apportant le suc des discussions et des visages.

Autour de lui des tas de gens de toutes les couleurs, de toutes les professions, de tous les milieux. La vie qui grouille et qui avance. Ne jamais reculer tu m'avais dit ! Je t'aime pour ça aussi !

Le pasteur sait marcher, tu m'as raconté son boycott des bus pendant 382 jours ! Il a du cran et des idées… Oui on peut y arriver sans violence ! Tout est possible sans violence !

Nous sommes le 28 août 1963, nous marchons à ses côtés. Les visages sont joyeux, fiers, optimistes et fidèles. Heureux. Nous ne sentons presque plus nos pieds… Les gens planent…

L'homme qui marche murmure "I have a dream", je l'entends à peine, il se prépare et il tourne la tête pour saluer une amie. Il aime tous ces gens. Tous se dirigent vers Washington D.C et ils croient en l'avenir du monde, de leur pays, de l'humanité.

- Martin !

Il se retourne et sourit à Coretta.