La semaine venait de se terminer par une idée lumineuse : partir vers l'île des Embiez en pédalo solaire puis virer tout schuss au sud vers l'inconnu. J'irais où me porteraient les dunes liquides et je pédalerais haut en eau.

Aussi sec (si j'ose dire), je demandais quelques conseils techniques à mon voisin de palier, un certain Gérard, qui avait été rameur en son temps.

Le type avait traversé plusieurs océans à grands coups d'aviron. Il prétendait avoir acquis la sagesse et la plénitude du dauphin macareux maquereau. C'était aussi mon but. Le vieux loup de mer aimait écouter du Alain Souchon tout en faisant le vide dans sa tête "Rame, rame. Rameurs, ramez. On avance à rien dans c'canoë. Là-haut, On t'mène en bateau : Tu n'pourras jamais tout quitter, t'en aller... Tais-toi et rame."

Je décidais donc de me munir de l'ensemble de la discographie du chanteur, d'un GPS, d'un portrait de Dalida et d'un lecteur mp3 qui pourrait résister aux vagues et aux embruns. Je pris également mon toucan, fidèle ami de randonnée aquatique. L'oiseau se mit à roucouler et piqua du nez au fond dans un geste mélodramatique.

Il revint quelques minutes après.

Le départ fut fixé à 6h25 à côté du Fort Saint Jean, pas très loin des grands bateaux qui partent vers l'Afrique et la Corse. Vous connaissez le coin ? Non ? Il faut prendre le bus 41 à la Joliette, puis le tram au Vieux Port, un peu de marche à pieds en passant devant l'Hôtel de Ville, Place Bargemon et tout droit encore 5 minutes. Vous y êtes ? Je continue alors mon récit.

Le jour J, à l'heure H, au gradian G, à la température (chaude) T, je montai donc sur mon embarcation (un pédal-eau), saluai mes amis, embrassai ma compagne qui était vêtue d'un pagne comme il se doit, vissai sur ma tête un chapeau de paille, m'enduisis le visage d'onguent (à cause des coups de soleil) et je commençai à pédaler…

À ce moment…