[1]

L' existence est parfois définie comme une marche imposée entre deux parois bien tracées, c'est un modèle que l'on impose souvent. Une pensée unique qui sert un système. Pourtant que de bonheur à parcourir un chemin de traverse, que d'émotions à découvrir une fleur timide, à admirer le beau, la belle écriture, l'impression fugace, le témoignage du temps sur un visage, l'amitié, la texture d'un bois, un bon mot partagé, un sourire dans les yeux, un brin d'air sur le visage, la délicatesse d'une courbe, la géométrie dans une ville, une ombre sur le sol, l'énigme d'une empreinte, le goût de la vie, l'harmonie…

Apprécier la poésie, les mots ciselés, le rythme et l'élégance d'un alexandrin

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.[2]

Notes

[1] Barbegal - Les Alpilles

[2] Stéphane Mallarmé (1842-1898) - Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui