J'entre dans l'échoppe. Une jeune bobineuse, bourelle dans le privé, m'enjoint de lui donner ma cotte pour le placer sur la patère ci-devant. Celle-ci est bricolée avec un morceau de corne de cabril.

Je m'exécute (ce qui est dangereux quand on connaît le rôle social de l'époux de la damoiselle).

Je m'assieds tout en regardant le cadeu qui trottine dans la pièce mal éclairée. Il a fienté sur le sol, ce qui exhale un fumet agréable et assez élégant.

On me tend un vélin pour patienter.

Puis prestement, on me lave les cheveux avec de la cendre et du lard rance comme c'est la tradition ici, puis on m'installe devant la tenancière et ses instruments : couteau effilé, burin de bois pour les plates, mandrin, vissante, broquin de 10 et surtout le râteau à 10 dents (je dis parfois alentours ; "le rat tôt a 10 dents !" mais ça ne fait rire personne, mon temps viendra sans doute mais la gaudriole en ces lieux n'est pas coutume locale !)

La dame porte une coquille et un courtibaut à franges de cheval, je trouve cela très seyant.

Et les gants ? me direz-vous goguenard

Et bien, elle n'en porte point !

Elle commence son ouvrage et me tend une cupule pour me faire patienter, et surtout pour m'enivrer un peu. Je grappille aussi quelques mains pleines dans la carbonade qui se trouve sur le devant pour les clients. Dans une auge enluminée.

Une clouque glousse. Je regarde le soleil à l'horizon. Il serait temps que cela s'achève. Je pars en saccage dans une poignée de chants du coq.

La nuque bien rase et la bourse allégée, je quitte sur-le-champ l'enseigne en jetant dans l'écuelle moultes sesterces, dont une pour la jouvencelle.