Hier, j'ai été visiter la Cité Radieuse chère à l'architecte Le Corbusier. Je passais devant. J'avais quelques heures à perdre. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je n'avais jamais été ici, alors que je passe devant cet immeuble des milliers de fois par an. Manque de temps. Le regard souvent absent par ce qui nous entoure.

À Marseille, on l'appelle encore la "Maison du Fada" parce qu'à l'époque de sa construction, personne ne comprenait le rêve fou de cet architecte, qui voulait ériger un bâtiment en quasi-autonomie avec ses infrastructures publiques (école, bibliothèque), ses commerces, son centre médical, son restaurant.

Fada ça veut dire dingue dans notre jargon marseillais. Et ça ne sonne pas si péjoratif que cela. C'est plutôt attendrissant. Le fadoli c'est le simple d'esprit, Ignace de Fernandel ou le schpountz cher à Pagnol.

Le parti-pris architectural du maître d'œuvre choquait aussi : un immense bâtiment de béton, de la couleur de partout, des pilotis pour supporter le tout, des lignes droites, un toit terrasse en accès public, un look soviétique, de petits appartements avec une optimisation folle de l'espace, de la lumière filtrante, un look couloir d'hôpital…

De loin, une sorte de bateau de béton. Un navire urbain amarré à jamais sur le boulevard Michelet, à deux pas de la mer.

Aujourd'hui après un incendie d'une partie de l'édifice dont les travaux de réhabilitation continent encore, l'ensemble est plutôt pimpant.

On y accède par un jardin agréable planté d'essences diverses.

La façade colorée impressionne le regard et des objets de couleurs tranchent avec le bleu du ciel et le vert des pins parasols.

On accède à la terrasse qui se situe au 9ème étage par plusieurs ascenseurs OTIS qui semblent avoir été réalisés pour cet ensemble.

Actuellement, sur cet emplacement unique à Marseille pour la vue, se tient une exposition de Daniel Buren avec ses célèbres petites colonnes striées blanc et noir, et des tas de miroirs avec lesquelles les photographes de passage jouent beaucoup.

On y trouve des familles, des touristes architectes, des bobos, des gens âgées, un type avec un chapeau à pois, un singe et un raton laveur.

En tenant son appareil photo, bras tendus, on peut observer tout Marseille avec notamment une vie impressionnante sur le Nouveau Stade Vélodrome et sa couverture qui ressemble à une énorme gaufre blanche.

Plus tard, j'ai fait le tour du bâtiment : aux étages 3 et 4, il y a des tas de commerces, un restaurant qui s'appelle "Le Ventre de l'Architecte", un hôtel, pas mal de cabinets d'architectes et de géomètres. De longs couloirs assez sombres avec des portes comme des prisons, un arbre avec des morceaux de papier écrits dessus par les habitants, des réceptacles métalliques pour supporter des documents, des meurtrières, un mobilier commun, des panneaux d'information comme 'il en pleuvait, un endroit pour s'asseoir et discuter, des vitres partout, des gens d'un autre âge, un peu snobs, des retraités à l'accent pointu, une loge de gardiens en bas, un dédale de couleurs, d'escaliers, de portes qui semblent mener à rien…

L'endroit est vivant et Le Corbusier n'aurait sans doute pas imaginé que son œuvre soit à ce point inscrite dans la vie de la cité. Bon, la terrasse vaut le coup d'œil mais une partie est réservé aux habitants et ça, c'est un peu gênant parce que ça fait zoo.

La Maison du Fada est devenu un lieu culte et esthétiquement beau et apprécié de tous. Sa visite vaut le détour.