La maladie a encore franchi un pas : les mots sortent en bouillie, inintelligibles ou presque.

Désormais la communication ne se fait que par des échanges de sourires.

Je la regarde, je fixe son regard, je souris, elle sourit.

C'est tout.

Très émouvant pour moi.

Autre chose. J'ai parfois l'impression d'être le fils de tout un ensemble de personnes, seules, ignorées du reste de leur famille.

J'arrive et les regards pétillent un peu. Je parle à l'une, j'écoute sobrement une autre. Je m'assieds près de ma mère. J'indique à quelqu'un qu'il s'agit bien d'un dessert au café, je passe un pot à eau, j'aide pour nouer une serviette…

Une me dit "Vous connaissez Bécaud ? Je l'ai vu à l'Olympia ! Avec sa cravate à pois ! Qu'il chantait bien ! Et quelle énergie !"

Une autre : "Vous savez, ils ont réparé les volets !" (Elle me l'a dit peut-être vingt fois)