La tradition de la fête en Grèce est éternelle. C'est comme une offrande. C'est la continuité des relations que l'on entretient avec son entourage.
C'est comme une racine d'un arbre dans un monde de couleurs.
Ici les gens se parlent, on salue les voisins, on s'arrête pour demander des nouvelles de la famille, des amis. On écoute vraiment.
En France, quand on croise quelqu'un, on lui dit "ça va ?" puis on n'écoute absolument pas la réponse… C'est juste une sorte de convention sociale.
Là-bas rien de tel.
On écoute vraiment, on s'intéresse, on pose une question et l'on connaît le prénom de tas de gens… On a en tête l'histoire de la famille… ses soucis, ses joies… On se trouve face à quelqu'un qui possède une âme et une histoire que l'on partage.
Évidemment en temps de crise, cette proximité, cette empathie se transforme en réconfort, on s'entr'aide et on se rassemble souvent.
Notre amie nous disait "Il nous reste la fête, la danse et les chants !".
La fête ça se fait avec trois fois rien… On partage un repas… chacun apporte quelque chose… on place des chaises de jardins, on met des tréteaux, des planches, de la lumière, quelqu'un chante, demande à des amis danseurs de participer, un petit orchestre de rébétique, et un agneau offert qui grille tranquillement.
Là-bas, pour réaliser une guirlande lumineuse, on se rend chez un commerçant qui la fabrique, la teste… Un long câble et des petites ramifications électriques… tout ça fait devant nous… dans une petite échoppe… le tout avec le sourire de celui qui a participé à sa façon à quelque chose de positif.
Je n'imagine même pas cette situation en France… La dernière fois j'ai cherché une sorte de petite barre et la personne qui renseignait dans une grande surface de bricolage (et qui nous avait sollicités pour savoir si elle pouvait nous renseigner) nous a regardés avec des yeux effrayés en nous disant qu'elle ne savait pas…
De petits magasins tenus par des professionnels passionnés ça n'existent presque plus… la grande surface a tout écrabouillé. Il y a des grandes surfaces pour tout : généraliste, bricolage, jardinage, chaussures, meubles, biens culturels, jouets, produits bio…
Désolant.
Bon je m'égare et je m'agace un peu avec ces histoires consuméristes et capitalistes… et ce n'est pas mon sujet aujourd'hui.
La fête ce sont les préparatifs : chacun mettant la main à la pâte (si j'ose dire), il y a ceux et celles qui s'attèlent à l'aspect culinaire, d'autres qui préparent les éléments musicaux, les choix de chansons, d'autres qui arrangent l'espace pour danser et s'amuser… Pour se sentir bien ensemble…
Les préparatifs de l'agneau sont aussi une sorte de spectacle : on le coud, on y met des herbes, on fixe un morceau de bois pour qu'il tienne bien, on l'embroche et on allume le feu.
Là on n' y va pas dans la dentelle : du charbon de bois, quelques petits bouts de papiers répartis harmonieusement, le tout arrosé d'un peu d'essence, on craque une allumette, on apporte un sèche-cheveux et les flammes surgissent puis les braises, la chaleur, les fumerolles, le crépitement et le bruit du petit moteur électrique astucieusement bricolé pour que le tout se transforme en tourne-broche.
Ensuite les gens arrivent : les voisins, les amis, les jeunes gens qui vont danser, le petit orchestre composé d'une guitare, d'une contrebasse, d'un petit bouzouki, le μπαγλαμάς, et de notre jeune amie qui chante merveilleusement le ρεμπέτικο τραγούδι.
Chacun apporte qui une bouteille de vin rouge, une bouteille de ρετσίνα, qui du τζατζίκι, qui des σουβλάκια…
Cette année la fête a été l'occasion de danses grecques mais aussi bretonnes. Et ce fut la magie.
Έχε Γεια Παναγιά
Des grecs qui se tenaient par le petit doigt en regardant avec attention les pas… Des français qui s'essayaient aux danses de Thrace, des chansons qui fusaient, des plats qui circulaient, des gens qui discutaient, des enfants qui couraient, des jeunes gens qui riaient…
La crise s'était envolée avec des tas de choses qui partagées ne coûtaient pas très cher.
Je n'oublierai jamais cette soirée.
Cet air rébétique est encore dans mes oreilles…
